Leito@bw.heraut.eu reviewed Neuromancien by William Gibson
Neuromancien
4 stars
Il se passe quelque chose avec la traduction qui rend difficile de rentrer dans le texte, et à la fois lui donne un ton si particulier et si direct que naissent de nouvelles images, ou au contraire des concepts abstraits difficiles à mettre en image (et alors on s'accroche aux mots, à leur forme et à leurs sons pour donner une texture et une consistance au concept). J'aime beaucoup cette idée, par exemple, qui fait appeler les espaces informatiques qu'on doit infiltrer des "glaces", ce qui est à la fois très visuel (elle reflète, elle se brise, on voit à travers sans pouvoir y pénétrer) et suffisamment abstrait pour que l'image qu'on s'en fait reste imprécise, changeante et donc beaucoup ancré dans le mot lui-même ("glace") sa sonorité et sa poésie. Je ne l'ai pas lu en anglais donc je ne saurais pas dire à quoi ressemble l'écriture de Gibson, …
Il se passe quelque chose avec la traduction qui rend difficile de rentrer dans le texte, et à la fois lui donne un ton si particulier et si direct que naissent de nouvelles images, ou au contraire des concepts abstraits difficiles à mettre en image (et alors on s'accroche aux mots, à leur forme et à leurs sons pour donner une texture et une consistance au concept). J'aime beaucoup cette idée, par exemple, qui fait appeler les espaces informatiques qu'on doit infiltrer des "glaces", ce qui est à la fois très visuel (elle reflète, elle se brise, on voit à travers sans pouvoir y pénétrer) et suffisamment abstrait pour que l'image qu'on s'en fait reste imprécise, changeante et donc beaucoup ancré dans le mot lui-même ("glace") sa sonorité et sa poésie. Je ne l'ai pas lu en anglais donc je ne saurais pas dire à quoi ressemble l'écriture de Gibson, même si j'ai l'impression qu'on est sur une traduction très directe (trop ? : parfois les néologismes traduits au mot pour mot restent en travers de la gorge au premier abord) qui donne ce ton si particulier, même dans le rythme des phrases.
Quand au roman, on est facilement perdu dans la logique du pourquoi ou comment des évènements, mais c'est aussi le cas des personnages et globalement du monde dans lequel ils évoluent, où le moindre corps est augmenté, technologiquement transformé, et la relation au réel qui en résulte est elle-même augmentée, transformée, au point d'en redéfinir les contours. Le réel est fragmenté, liquide, vaporeux, tout cela à la fois, et tout va trop vite pour nos simples cerveaux organiques.
Il y a par ailleurs effectivement beaucoup de choses/concepts/idées dans ce livre qu'on a retrouvé ailleurs par la suite dans la SF littéraire et au cinéma, mais beaucoup de personnes en ont déjà parlé, donc je me contenterai de pointer un lien plus rare mais évident à mes yeux : le personnage de Peter Riviera qui projette des "subliminaux" (sortes d'hologrammes hallucinatoires, souvent organiques et violents destinés à perturber ses adversaires) résonne avec l'imagerie de nombreuses BD de Enki Bilal (dont la trilogie du Monstre) où les corps sont entourés voire traversés de textures, matières voire animaux (poissons) dont il est difficile de savoir si elles sont tangibles ou non.